Les deepfakes – ces vidéos ou enregistrements audio truqués par IA – représentent aujourd’hui une des menaces majeures pour la confiance politique. Dans son rapport 2024 sur les risques globaux, le Forum économique mondial plaçait la désinformation alimentée par l’IA au 2ᵉ rang mondial des menaces (juste après le changement climatique). Ces faux contenus très réalistes peuvent faire basculer un scrutin ou attiser la haine en Afrique comme ailleurs. D’ailleurs, Anna Collard de KnowBe4 Afrique souligne que « les deepfakes posent un danger majeur en période électorale, tant au Royaume-Uni qu’en Afrique du Sud ».
Les deepfakes en Afrique : pourquoi s’inquiéter ?
Imaginez une vidéo truquée du chef de l’État ou d’une personnalité locale faisant un discours haineux. C’est hélas plausible : lors des élections récentes, des deepfakes de dirigeants africains ont déjà circulé. Par exemple, en octobre dernier, des escrocs ont diffusé un faux clip du président de la Commission de l’UA, Mouassa Faki Mahamat, sur WhatsApp. La rapidité de propagation des contenus truqués inquiète : la production de vidéos deepfake est aujourd’hui « peu coûteuse et facile ».
Le Cameroun a pu en faire la triste expérience indirectement : en 2019, lors du discours du Nouvel An, l’état hésitant d’Ali Bongo a semé le doute sur l’authenticité de la vidéo, certains y voyant un possible deepfake. Cette suspicion seule a suffi à provoquer une instabilité politique (coups d’État avortés, coupures Internet…). De telles manipulations peuvent enflammer les passions, surtout dans des sociétés à forte défiance. Notons enfin qu’Interpol signalait dès 2021 que la désinformation et la cyber-escroquerie constituent la menace la plus urgente sur le continent.
Se protéger : vigilance et vérifications
La première parade est la sensibilisation. Comme Collard le conseille, il faut savoir qu’un tel phénomène existe et ne pas croire tout ce qu’on voit sur Internet. Par exemple, si un discours d’un leader paraît trop choquant, cherchez à confirmer la source officielle (site du gouvernement, compte certifié, etc.). Des initiatives comme le fact-checking électoral en Afrique du Sud (plateforme “Padre”) permettent de recouper rapidement les affirmations politiques. Techniquement, des outils d’analyse (recherche inversée d’images, logiciel de détection) commencent à apparaître, mais leur efficacité est encore limitée car les deepfakes sont plus vrais que nature.
Finalement, la défense passe aussi par la prudence citoyenne : comme le dit Collard, quand un contenu vous énerve, ne le partagez pas sur le champ. En gardant la tête froide et en vérifiant avant d’y croire, on rend la tâche plus difficile aux faussaires. À terme, la réponse devra être collective (législation, plateformes sociales vigilantes et enseignement aux écoliers). En attendant, soyons tous un peu détective de l’info, car mieux vaut un soupçon permanent qu’une crise profonde dans la rue.
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